Jean-Christian Bourcart

Pour chaque nouveau sujet qu’il aborde, Jean-Christian Bourcart raconte des fragments d’histoires du monde contemporain en développant une écriture qui mêle à des degrés divers enquête et invention formelle. Par l’utilisation de plusieurs médium (photographie, écriture, vidéo, cinéma ), il propose une vision kaléidoscopique qui évoque, informe et interroge notre expérience humaine, et pour laquelle les images sont traversées par l’emploi de différents supports et dispositifs et pourtant habités par les mêmes idées : tension, clandestinité, confrontation, saturation, mouvement, révélation.

Ses recherches personnelles furent récompensées par le World Press photo en 1993, le prix Gilles Dusein en 1999, le Prix du Jeu de paume en 2007, le Prix Niepce en 2010 et le Prix Nadar en 2011. De retour en France après 22 ans à New York, il dépose en 2020 l’ensemble de ses archives au musée Nicéphore Niepce de Chalon sur Saône qui présentera une exposition extensive de ce dépôt en 2024.

 

 
 

Stardust, New York 2005-2006


« Dans mon quartier, juste en face de la béance du
World Trade Center, il y a un cinéma multiplex.
J’y vais le matin à la première séance et, dans les
salles vides, je photographie l’image qui passe
à travers la petite vitre qui sépare la cabine de
projection de la salle du public Tout autour le noir
immense et bruyant de la salle. Cette image, en
route vers son destin spectaculaire, est saisie si près
de sa source qu’elle existe comme quasi-image,
comme une échographie spectrale, primordiale. »

Entre 1936 et 1944,  la FSA (Farm Security Administration) lança une grande campagne photographique sur l’ensemble du territoire des Etats-Unis. Le but officiel était de documenter les conditions de vie des paysans pendant la grande dépression ainsi que l’action du gouvernement pour les améliorer. Parmi les photographes, quelques grands noms tels Walker Evans, Dorothea Lange, Gordon Parks… qui écriront ainsi une page importante de l‘histoire de la photographie documentaire.  

Jean-Christian Bourcart découvre parmi les images non retenues ces étranges photographies percées d’un rond noir par Roy Stryker, le directeur de la FSA.

« Comment cela a commencé, je n’en suis même plus sûr. Juste de la curiosité, je crois. Je vagabondais en ligne (il faudrait d’ailleurs inventer un mot pour définir cette activité devenue si commune) dans les archives de la librairie du congrès américain, et j’arrivais à la célèbre collection de la Farm Security Administration. Très vite, je découvrais sidéré les premières photos trouées. Une série sur une truie allaitant sa progéniture et puis juste après deux jeunes garçons, un accroupi, l’autre débout, le poinçon à la hauteur du sexe et puis une femme et sa fille assises gracieusement dans un parc, avec le poinçon au milieu d’elles, plutôt en bas. Plus loin des paysages somptueusement vides avec l’énorme soleil noir du poinçon qui irradiait insolemment l’Amérique en train de s’inventer. Je connaissais l’histoire du directeur du projet qui faisait des trous dans les négatifs des photos qu’il ne jugeait pas digne d’être exploitées, mais guère plus. Rien ne m’avait préparé au choc esthétique que ces photographies mutilées me procuraient. Je commençais à fouiller compulsivement les dizaines de milliers de photos (164 000 disponibles en lignes) et à en sélectionner certaines, qui me plaisaient par leur leur intérêt esthétique ou par leur étrangeté, et celles pour lesquelles je ne pouvant pas croire que l’emplacement des poinçons soit complètement aléatoire. Je me disais que trop de cœurs, de gorges et de régions « basses » étaient « touchées » pour être du simple hasard. » …

 

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