Gil Rigoulet débute sa carrière dans la presse en 1975 et devient dès le début des années 80 le premier photographe attitré du journal Le Monde avec lequel il collabore pendant plus de 20 ans. En 1985, il réalise avec Henri Cartier-Bresson un supplément du Monde, Portrait d’un quotidien, pour les premières « portes ouvertes » du journal.
En 1986, Robert Doisneau présente les photos de Gil Rigoulet dans un portfolio de la revue Photo-Magazine et Christian Caujolle l’invite à l’exposition collective et au livre « Vivre en maillot de bain » à la piscine Deligny, avec Joseph Koudelka, Marc Riboud, Claude Nori, William Klein, Helmut Newton, Jean Loup Sieff, Jacques Henri Lartigue, Mary Ellen Mark, Franco Fontana…
Pendant trois décennies, il collabore avec de nombreux magazines de la presse nationale et internationale, comme Géo, Grands Reportages, Elle, Sunday Times, La Républica, la Stampa, El Pais, etc.
A cette époque, ses travaux mettent un accent particulier sur l’intensité du regard, le désir d’avancer, de voir et de donner à voir. Pour lui, qui s’immisce dans la vie des autres, ses images sensibles prennent forme : des rockers aux mèches gominées, les baisers d’amour, les photographes en goguettes, le corps et l’eau…
En parallèle, il développe un travail d’auteur de Street Photography en Europe, en Amérique du nord et en Asie…
Dans les années 90 et 2000, Gil Rigoulet développe un travail en Polaroïd 665, noir et blanc, il joue de la chimie, solarise les négatifs, fixe à peine les positifs, autour des légendes et croyances de certains arbres, rochers et paysages.
Avec « Transparences », série sur le verre en Polaroïd non fixé, il laisse les positifs évoluer jusqu’à une disparition totale, l’oxydation dure depuis plus de 13 ans.
Les uniques photos noir & blanc de la piscine Molitor, que Gil a prises en 1985, seront exposées de multiples fois avant d’habiller de façon permanente l’hôtel de la piscine Molitor depuis 2015. Le livre d’artiste Molitor 85, éditions The (M), sera lancé à la librairie Artcurial à l’occasion des 30 ans.
Le livre objet “Mes jours” Gil Rigoulet est publié à 100 exemplaires aux éditions the(M) : « c’est une série intimiste réalisée avec les positifs du film Polaroid 665, dont je n’ai fixé que certaines parties, ils ont passés plus de 13 ans dans une boite, l’oxydation a laissé un jeu de traces et de disparition des formes. Mimétisme de notre mémoire… ».
« Je sors d’un avion, 18 h de vol, je pose un sac chez des amis,
prends le métro, le RER,
descend à Luxembourg, fin de matinée, la terrasse du Rostand.
Elle m’attend, un café, un thé,
je fais une photo de ses cheveux au vent,
ses yeux disparaissent,
une autre photo de ses lèvres au rouge pourpre,
la table, les tasses, la théière.
Elle ne prête pas attention aux photos,
je ne sais quoi lui dire,
c’est instinctif,
je ne pense pas, ma tête cadre, voit,
tout est si fragile, fugace, comme si le coeur était dans les yeux,
le moment est cette vague qui vient sur les rochers et épouse tous les détails,
les paroles sont cordiales,
le désir brûlant,
deux mois que nos mots parcourent les océans,
ils sont devenus plus qu’étroits,
ils ne suffisent plus.
Sydney était trop loin.
(…)
Sa chemise noire s’ouvre,
les mots s’envolent,
je fais des images,
mon regard désire,
caresse.
Images d’un dialogue intime naissant.
(…) Les saisons se diluent dans les années,
le temps est rythmé d’échappées, mes films suivent le fil des jours,
les images se font plus intenses, plus libres, l’appareil est invisible, ce dialogue visuel nous appartient, une connivence entre nous,
avec la certitude qu’il en émane une vision au-delà de la photographie,
une expression des sens et de l’art qui rend
ce quotidien immuable.
(…)
L’amour évanoui.
Le silence.
Les images vivent. »